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Le Cercle de la croix

de Iain PEARS

Le Cercle de la croix

Prix éditeur : 10,30 €

Collection : POCKET

Éditeur : POCKET

EAN : 9782266088022

Parution : 31 mars 2004

Pagination : 928 p.

Poids : 465 g.

Coup de cœur

L'un des meilleurs et des plus subtils romans historiques contemporains.

Publié en 1997, après une série de six romans policiers situés dans le monde de la peinture, bien connu de ce Britannique philosophe et historien d'art, An instance of the fingerpost marquait à mon avis une date dans le roman historique moderne.

D'une grande ambition littéraire, il avait tout pour ébranler (favorablement) les amateurs du genre souvent habitués à des ouvrages plus paisibles, et à l'instar du Q (L'oeil de Carafa) ou du Manituana des Wu Ming, il disposait de tous les atouts pour attirer des lecteurs que le roman historique ne séduit habituellement guère. C'est ce qui se produisit dans de nombreux pays, mais qui fut partiellement "gâché" en France par une frénésie éditoriale qui conduisit, après la belle traduction de Georges-Michel Sarotte chez Belfond en 1998 (même si l'on peut toujours se demander comment on en est venu à l'intitulé Le cercle de la Croix), à publier cinq des enquêtes policières écrites auparavant en cinq ans, sans trop s'embarrasser d'expliquer au public qu'il s'agissait de travaux antérieurs et sensiblement moins ambitieux, mais en espérant vraisemblablement "surfer" sur le succès initial. Dommage pour le statut de l'écrivain et de son premier roman majeur, qui ne s'en est pas totalement remis dans notre pays.

1663. Avec le retour laborieux du roi Charles II, l'Angleterre se remet difficilement des 20 ans de guerre civile ayant suivi la chute de Charles 1er et la prise du pouvoir par la New Model Army de Cromwell, lorsqu'un gentilhomme vénitien, d'une famille marchande mais également médecin amateur à ses heures, débarque à Oxford, devant patienter là pendant qu'une complexe affaire du commerce familial se résout à Londres. Rencontrant rapidement une foule de personnages témoignant chacun à leur manière de la complexité des relations humaines et de l'incroyable instabilité engendrée par la querelle religieuse encore très pulvérulente à l'époque, il va assister impuissant à la mise en accusation puis à l'exécution d'une jeune femme de basse condition, accusée peut-être à tort du meurtre d'un respectable universitaire...

Si les 260 pages de cette première partie donneraient déjà matière à un roman tout à fait honorable, le propos ne fait en réalité que commencer : trois autres parties, pour atteindre les 960 pages finales, conduites par trois narrateurs supplémentaires successifs (et l'un des charmes du récit est de voir surgir comme "nouveaux" narrateurs des personnages connus, mais que l'on n'aurait jamais imaginés, dans la première partie, dans ces rôles) vont déconstruire pas à pas le récit initial du Vénitien - puis celui de leur(s) prédécesseur(s) dans le rôle, auquel ils ont eu accès, donnant par trois fois une vision totalement différente, progressivement "complétée" ou au contraire "renversée", de ce qui s'est réellement passé durant ces quelques semaines oxfordiennes.

Éblouissante performance narrative, menée avec une réelle honnêteté vis-à-vis du lecteur (il ne s'agit pas d'une "énigme à résoudre", après tout), et engendrant une intense délectation, lorsque peu à peu la démonstration se fait de ce que signifie vraiment un "narrateur non fiable" en littérature, et de l'ensemble des raisons, volontaires et involontaires, qui conduisent à ce statut si particulier.

Du grand art, construit avec un aplomb tourbillonnant, soutenu par des recherches historiques de haute volée, et révélant au fil des pages son abrupte leçon sociale et politique.

 

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