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Muette

Muette

Muette
de Eric PESSAN
ed. ALBIN MICHEL

"La lame n’est jamais fatiguée de trancher."

Les paroles de la mère de Muette sont des lames, elles ne font que blesser, rabaisser. Et le père de Muette n’est d’aucun réconfort, bloc de silence qui rejette, et ne se fissure que pour émettre des colères homériques.

"Tu nous casses les oreilles."

Ça suffit, Muette s'en va.

"Tu vas nous rendre fous."

Loin du grouillement de la ville et de l’humanité, Muette fugue calmement, comme une mer d’huile au dessus d’une tempête sous-marine. Refugiée dans une grange proche de la maison parentale, elle s’absorbe dans le maelström de ses propres questions, une exaltation d’adolescente aux désirs grandissants, prisonnière de son retranchement, de cette digue érigée pour refouler la souffrance des lames de la mère et des silences du père, et de leur inlassable avilissement.

"Peau d’oignon, couche après couche, Muette atteindra-t-elle jamais son cœur muet ?"

Muette se rêve terrée, furtive et agile comme un animal, lapin ou chevreuil, sans pensées, sans cruauté, seulement habitée d’instincts.

Sur un fil, Eric Pessan rend avec justesse l’équilibre délicat de la volonté de fuite et du retranchement de Muette, de sa culpabilité et de ses désirs qui grandissent. Et lorsque Muette marche le long des voies de chemin de fer, une fenêtre s’ouvre sur un autre de ses romans, «Incident de personne», sur la voie du silence, du retranchement et de l’échappatoire.

Sobre et impressionnant.