Connexion

Moi, Jean Gabin

Moi, Jean Gabin

Moi, Jean Gabin
de Goliarda SAPIENZA
ed. ATTILA

Un petit morceau d'enfance, d'énergie vive et brute, où chaque interaction familiale est prétexte à une leçon de liberté, où dans les rumeurs luisent des reflets de contes, où les films de Gabin constituent un modèle absolu.

La petite Goliarda a un idéal, il s'appelle Jean Gabin. Il l'accompagne en permanence, guide ses choix, la soutient dans sa fierté farouche, ses réparties vives. Goliarda déambule dans la casba sicilienne interpellée par les uns ou les autres, en quête d'argent pour réparer une dette d'honneur.

Goliarda Sapienza est issue d'une famille anti-fasciste de la Sicile des années vingt, en butte au pouvoir et à la mafia. Famille atypique, recomposée, appartenant aux grandes causes avant tout. Elevée principalement par des grands frères qui lui font lire Diderot ou Voltaire, Goliarda côtoie également des repris de justice, engagés comme domestiques par son père.

Mais ce contexte étonnant, qu'on devine violent par moments, n'apparaît qu'en filigrane, gommé par la focalisation de Goliarda sur les détails propres à l'enfance : les films de Gabin, les rues de la casba de lave et la figure mystérieuse de son Architecte, ou encore le don d'un marionnettiste...

Emporté par le point de vue d'une fillette exaltée, en butte à des personnages improbables (et pourtant probablement réels, comme Zoé, cette nonne du crime, qui porte un couteau entre ses seins) le lecteur n'a pas le choix, il doit y croire et danser avec elle sur le fil de la vérité et des rêves enfantins.

Si le récit ne s'étend que sur quelques jours, Goliarda Sapienza prend son temps, digresse, explique, reprend, en un va-et-vient narratif un peu foutraque et adorable.

Le lecteur en sort remué par l'énergie incroyable de cette petite fille, habité par ses grands mots, et un peu amoureux de Gabin. Au fonds.

 

« Mais quante est-ce qu'y dorment chez toi, jamais ? »

« Les gens actifs, plein de vie, sveltes et vifs, bref en un mot, antifascistes, dorment peu et ne s'ennuient jamais. »

Avec cette réponse je laissais bouche bée petits et grands conformistes de l'immeuble de la via Pistone et si quelqu'un de plus hardi osait répliquer, alors la lame de ma canne-épée verbale sortait de son fourreau de bois pour un coup de griffe :

« Nous ne vivons pas d'une rente bourgeoise, nous ! et nous ne permettons pas que le Duce ou un saint quelconque s'occupe de nous. Essaie de vivre libre, toi, et tu verras le temps qu'il te reste pour dormir. »