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Valaam

de Catherine DUFOUR

Valaam

Prix éditeur : 0,99 €

Collection : e-Bélial' Nouvelles

Éditeur : LE BÉLIAL'

Parution : 27 janvier 2011

Pagination : 11 p.

Quatrième de couverture

POUR OBTENIR LE VISA DE LA CEI, j’avais réservé depuis la France à l’hôtel Intourist de Moscou, avenue Gorki. La navette de l’aéroport me déposa devant le perron gardé par trois cerbères en jaquette. Je montrai mon passeport et entrai dans le Golden Hall, un hangar crasseux blindé de plaques de cuivre où se croisaient des touristes japonais, des hommes d’affaires allemands et des garçons d’étage hargneux, occupés à vendre l’Intourist par petits bouts à des Caucasiens. Sur des banquettes en plastique orange, des filles de quinze à trente-cinq ans attendaient. Elles portaient de courtes robes noires, des cheveux décolorés et un air triste.

Je posai mon sac dans une chambre du onzième étage (une boîte en peluche marron) et visitai les bars les uns après les autres : le bar italien du deuxième, le bar chinois du quinzième, le bar espagnol du rez-de-chaussée, le bar allemand de l’entresol. Le salon de thé, au dix-septième, était fermé, et le casino hors de prix. Je m’installai finalement au Traveller’s Bar, à côté de la plus jeune des putes, une gamine maigre aux cheveux bicolores (blancs à la fin, noirs au début). Elle suçait un verre de sok, ce sirop gazeux qui a le même goût que les œufs de Pâques en sucre. J’essayai d’engager la conversation en anglais, en allemand puis en russe, elle me répondit par monosyllabes. J’appris quand même qu’elle était supposée s’appeler Tania, née à Komsomol sur Amour, étudiante. Je la laissai à son sirop et dépliai le Moscou Times. Deux moustachus en cravate vinrent s’asseoir à notre table, nous offrirent à chacune une bière et se lancèrent dans une conversation en english business. J’en étais aux petites annonces quand ils adressèrent la parole à Tania. Ils se levèrent presque aussitôt, elle les suivit docilement. En face de moi, deux filles sirotaient leur sok, assises de travers sur un banc en bois, les épaules navrées et les yeux dans le vague. Je finis mon verre, montai dans ma chambre, bus un peu d’eau du robinet hydrochlonazonée, tirai les épais rideaux marron sur la lumière bleue du néon Panasonic et me couchai. J’avais le blues. Le moscues. Moscou est une ville à chier.

 

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