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Citoyens clandestins

Citoyens clandestins

Citoyens clandestins
de DOA
ed. FOLIO

Un très grand thriller contemporain d'espionnage, désespérément crédible en évitant - parfois de justesse - le didactisme.

Publié en 2007, le troisième roman de DOA atteint le statut convoité de thriller politico-policier de grande classe internationale, avec une bonne dose d'ironie froide en supplément.

Grâce à une documentation dense et serrée - mais qui sait chaque fois s'arrêter juste avant la limite de l'envahissant -, le lecteur est entraîné dans une enquête échevelée et foisonnante, où la peinture des milieux terroristes en 2001 est à peine plus glaçante que celle des ramifications de l'appareil de renseignement et d'action des différents "services" français. Agents clandestins, officiers infiltrés, spécialistes des coups tordus, analystes de haut vol, journalistes d'investigation rompus aux ficelles grises et noires de ces métiers extrêmes : la galerie de personnages, à la rare crédibilité dans ce domaine souvent joyeusement massacré par les auteurs de noir ou de thriller, nous envoie à elle seule dans la zone des chefs d'œuvre, avant même que l'intrigue, remarquable (et que l'on évitera soigneusement de dévoiler), ne se déploie pleinement.

Il garda les paupières closes mais bougea, pour attraper son lecteur MP3 dans sa poche de poitrine, sous les lambeaux de toile, prenant conscience de l'engourdissement de ses membres et de ses articulations endolories. Le froid et un équipement de merde, il plaignait les spetsnaz. On le lui avait imposé pour brouiller les pistes. Même sa bouffe venait de là-bas. Au moins n'avait-il pas eu besoin de savoir déchiffrer l'alphabet cyrillique pour comprendre qu'elle serait infecte, c'était une qualité partagée par les rations de combat de toutes les armées du monde.
Malgré tout, il se sentait bien. Ils n'étaient pas nombreux les fous comme lui qui aimaient vivre aux marges du monde réel, officiel. Ceux qui ne vivaient que pour violer tous ces territoires interdits, dangereux, dont il valait mieux ne pas s'approcher. Ou même discuter. Qui étaient prêts à en payer le prix. Celui de l'inconfort, de la douleur, de la mort, possible, probable, toujours cachée. Vite oubliée. Les toutes premières fois, l'idée qu'il pouvait disparaître en secret l'avait un peu perturbé. Imaginer s'en aller ainsi dans un coin hostile et reculé, sans que personne le sache. Puis l'angoisse était partie, avec le temps. Avec les proches.


Une grande réussite que l'auteur n'a pas encore su égaler, l'approchant toutefois d'assez près dans L'honorable société, sa belle collaboration de 2011 avec Dominique Manotti.