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Killing Kate Knight

Killing Kate Knight

Killing Kate Knight
de Arkady KNIGHT
ed. CALMANN-LÉVY

Killing Kate Knight (que l’on peut entre nous appeler de son vrai nom, n’en déplaise aux juristes de l’éditeur : Killing Keira Knightley) constitue un défi superbement réussi. J’ai rarement lu, en 500 pages, un tel déchainement stylistique (on connaissait certes les capacités de superbes saillies d’Arkady Knight, l’une des plumes critiques les plus acérées de feu Le Cafard Cosmique), associé à une intrigue vertigineuse (plusieurs fois, on frôle la perte totale de repères, mais non, le rétablissement survient toujours à temps – brio !), et à une réflexion passionnante sur, notamment, le SENS du cinéma dans notre société.

Goûter tout le sel du roman suppose sans doute (mais ce n’est PAS indispensable) une solide culture du cinéma « moderne » (la filmographie de Keira Knightley sera un plus évident !) – et un certain goût pour les « action flicks » (néanmoins très solidement campés ici par la seule magie du verbe !), qui servent de toile de fond au roman proprement dit. Histoire d'enlèvement, de psychose, de combats, d'arnaques, de victimes et d'uniformisation du monde : Killing Kate Knight est tout cela.

Et ce final, ah, ce final ! « Je ne m’en sens pas la force, mais pas à pas, j’entame une lente danse – les lueurs de l’aube qui baignent mon corps nu, les ailes du vent qui soulèvent mes membres endoloris et la neige qui les précède – et je continue de danser, malgré la faim, la soif, la souffrance, pleine de rage et de souvenirs, je danse, luttant pour que l’écho de ma présence ne s’efface pas à son tour de la mémoire de ce monde, je continue de danser pout toutes les K-girls de tous les mondes. »

Pour un premier roman, l’auteur déploie un impressionnant métier. C’est par le jeu matois de ses narrateurs entremêlés et de ses incises obliques qu’il parvient à un double tour de force : discourir beaucoup, au milieu des voix et des monologues intérieurs, sans jamais pontifier – et dégager une authentique tendresse complice, au milieu des mitraillades, des éventrements et des enlèvements.

Et si P.K. Dick était encore parmi nous, il saurait : Keira Knightley EST un Palmer Eldritch bienveillant, même si c’est largement malgré elle. Et d’ailleurs : « N’oublie pas : you are what you read, you are what you watch. »

[ ... et Charybde 1 approuve. ]