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Le cercle celtique

Le cercle celtique

Le cercle celtique
de Björn LARSSON
ed. FOLIO

Magnifique synthèse de roman maritime exigeant et de polar endiablé. Et magie du Nord de l'Écosse.

Le second roman du suédois professeur de littérature française Björn Larsson, publié en 1992, trois ans avant la consécration internationale que lui amènera Long John Silver, puissante réécriture de la biographie du héros de L'île au trésor, constitue une remarquable incursion dans le genre policier / thriller, et l'une des synthèses les plus abouties que je connaisse entre le roman maritime (y compris dans sa frange apte à satisfaire les plus exigeants des lecteurs "voileux") et le roman tout court.

Le narrateur suédois rencontre au Danemark, en hiver, le nommé McDuff, un bien étrange marin, en train prétendument de chercher des soutiens pour de l'activisme anti-nucléaire en Écosse, mais qui semble en réalité surtout rechercher un certain Finlandais nommé Pekka... En acceptant la discussion impromptue, à bord d'un ferry vide, avec l'énigmatique Écossais, le narrateur ignore encore qu'il s'embarque pour un incroyable périple, à travers la mer du Nord et les terribles eaux nord-écossaises, dans lequel les dangers proprement maritimes, déjà nombreux, seront vite largement renforcés par des dangers humains pour le moins inattendus...

Sous ses airs discrets et quelque peu confidentiels, un petit chef d'œuvre.

"Je racontai alors que pendant des années j'avais rêvé de rejoindre l'Écosse à la voile et que j'avais passé de nombreuses heures à étudier les cartes marines et les atterrages en Écosse, aux Hébrides et en Irlande.


Immédiatement, MacDuff compara avec enthousiasme et fierté les Hébrides au paradis sur terre. Il ne faisait aucun doute qu'il savait d'où il venait et pourquoi. Moi qui n'ai jamais eu de racines, que ce soit géographiques ou autres, je l'enviais de plus en plus en écoutant son récit. Pour moi, mon pays et mon peuple, si tant est que la Suède et les Suédois méritent ces noms, ne sont que des coulisses. Adulte, je n'ai résidé que quelques années en Suède. Je ne ressens aucun mal du pays, si ce n'est peut-être le regret de ne l'avoir jamais éprouvé. Et c'est sans doute pour cela que MacDuff me fascinait à ce point. Mais pas seulement. Il était de plus habité d'une ardeur et d'une intensité qui m'enthousiasmaient et m'éblouissaient. Je le questionnai sur le pilotage dans les Hébrides, et son récit semblait provenir d'une source intarissable de connaissances et d'expériences à laquelle il puisait sans réserves. (...)


J'expliquai que je ne voulais pas être importun, mais que j'habitais à bord d'un voilier et que donc, moi aussi, j'étais marin, "of sorts". Lorsque ensuite je racontai que j'étais allé jusqu'en Bretagne à la voile et que mon prochain voyage serait l'Écosse ou l'Irlande, il parut avoir totalement oublié ma question indiscrète. Mi-sérieux, mi-badin, je lui dis même que du sang celte circulait dans mes veines. Je fis allusion à mon manque de racines, mais j'ajoutai que la Bretagne était le seul endroit où je me sentais vraiment chez moi. Cela avait à voir avec la lumière et le tempérament, le mélange de la douceur du français et de l'aridité du breton. C'étaient les rochers, l'océan et le sentiment que tout le monde avait une histoire. MacDuff ne sourit pas. Il me prenait bien plus au sérieux que je ne le faisais moi-même."