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Le clan Boboto

Le clan Boboto

Le clan Boboto
de Joss DOSZEN
ed. LOUMETO

Surprenante et réjouissante saga franco-africaine en banlieue parisienne.

Publié en 2009 en auto-édition par le « griot junior » franco-congolais Joss Doszen, « Le clan Boboto » surprend et réjouit.

Loin des clichés complaisants véhiculés à longueur d’année par les séries télévisées de TF1 (mais trop souvent aussi par celles d’autres chaînes pourtant réputées plus exigeantes), le roman donne vie à une famille franco-africaine étendue, avec ses cousins « adoptés », ses voisins devenus partie prenante et ses partenaires de cœur et de rapine, plongée dans l’authentique dureté socio-économique d’une cité de banlieue déshéritée aux horizons bouchés.

Jouant avec une étonnante maturité de points de vue successifs qui dévoilent dans un efficace clin d’œil faulknérien ce que chaque protagoniste sait des autres, croit savoir, ou ignore purement et simplement, l’auteur nous entraîne avec brio et dans une langue maîtrisée et savoureuse dans les méandres d’une incroyable « volonté de s’en sortir », cimentée par des valeurs morales en quelque sorte « recomposées », hésitant en permanence entre individualisme et sens du collectif, sans illusions romantiques surestimant la force mythique d’une solidarité « africaine », mais sans mépris ni aveuglement face à toute la légèreté vive et dansante qu’elle peut introduire dans la grisaille des existences trop vite condamnées…

Sans misérabilisme, sans morale conventionnelle, sans étalage gratuit de spectacles épicés ou mortifères, le « Clan » dessine les contours d’une saga qui vibre paradoxalement des meilleures composantes du « Parrain » de Mario Puzo – et l’on se prend à songer qu’un cinéaste talentueux se saisisse de ce puissant canevas franco-africain comme Francis Ford Coppola le fit pour le mythe italo-américain plus ancien.

Quelques (petites) scories et coquilles toujours difficiles à éviter en auto-édition ne gâchent guère le plaisir intense et bien songeur ressenti à la lecture de ce texte, dont on s’explique mal qu’il n’ait pas jusqu’ici trouvé d’éditeur classique. Ou que l’on s’explique trop bien hélas, pour un roman écrit avec grâce, vigueur et redoutable franc-parler par un Franco-Africain, et refusant de se couler dans les « canons acceptés et recherchés » de la littérature écrite en France par des Noirs…

« Tiens il va falloir que je chambre le bonhomme d’ailleurs. Quand je le vois comme ça de profil à papoter avec Arléna je me rends compte qu’il commence à prendre du bidon. Ce confort de bourgeois qui nous gère depuis un moment ne fait du bien à aucun d’entre nous. Quand je pense qu’il jouait au dictateur pour que nous soyons physiquement toujours au top ! Il disait toujours que vu le bouge dans lequel nous vivions nous ne pouvions pas nous permettre d’être faibles. Il fallait se débrouiller pour faire toujours partie des plus forts afin d’éviter les emmerdes.
Mina nous a baladés dans toutes les salles de sport, de la natation à la musculation et surtout au taekwondo où lui, Scotie et moi sommes très vite devenus les meilleurs de nos générations respectives. Même Andriy qui a échappé aux compétitions de taek n’a pu échapper aux séances de muscu hebdo et de self-défense. Mina a fait de cette famille une bande de guerriers à qui il était interdit de combattre. Pour lui c’était au général de combattre et pas aux soldats, mais sur ce point-là il s’est complètement ramassé. Comment aurait-il pu faire pour nous éviter à tous de rentrer dans la mêlée quand on vit dans un ghetto pareil ? Nous avons tous failli y rester, chacun affrontant ses propres démons et chacun cherchant à s’accrocher au premier ange qui lui tendrait un bout d’aile. Moi j’ai mis des gnons au mien mais j’ai tout de même reçu la perche. Et l’ange s’est chargé de me mettre le coup de bâton au cul pour m’empêcher de sombrer dans le chaos qu’était mon univers familial. »