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Les bonnes gens

Les bonnes gens

Les bonnes gens
de Laird HUNT
ed. ACTES SUD

Comme le Beloved de Toni Morisson, Les bonnes gens s'ouvre sur la mort d'un bébé et son empreinte sur la maison, les gens. Une malédiction.
 
Les bonnes gens est un roman à plusieurs voix, chacune chargée de sa propre douleur, marquée par sa propre obsession. Il y a l'homme au puits, Ginny Lancaster, la tante Z, Prosper à deux voix, Lucious qui aurait dû s'appeler Joseph... Ginny tient la majeure partie du récit. Ginny est vieille comme elle était jeune alors, et son esprit ressasse des boucles dans le temps. L'éblouissante naïveté de la jeune fille côtoie la mortification de la vieille dame.
 
La jeune Ginny quitte ses parents, séduite par homme qui lui promet le paradis. Et même si la bicoque n'est pas la demeure qu'il a décrite, même si son domaine n'est rien encore, il la conduit effectivement dans un coin de paradis du Kentucky.
 
Mais les porcs souillent les couronnes de fleur, et l'anathème de la vieille Ginny rappelle en permanence que quelque chose de malsain était à l'oeuvre alors, dont on découvre morceau par morceau l'étendue des dégâts. Les porcs vaquent en liberté sur le terrain et transforment la prairie en boue. L'obscénité de la viande, les cris des porcs que chacun doit égorger tour à tour et la vieille Ginny rappellent que la jeune fille a été/sera victime puis bourreau, puis victime... dans le cercle infernal et ordinaire de la violence.
 
Une ombre a tout recouvert à présent.
Il y avait déjà une ombre suffisamment profonde pour qu'on s'y noie, alors.
Pour me noyer, moi et ces filles. Noyer le petit Alcofibras. Noyer ces pâquerettes. Cette prairie. Ces tomates. Ce soleil.
Cleome et Zinia m'aidèrent à m'installer dans la maison de Linus Lancaster, elles m'aidèrent quand il commença à me faire venir dans sa chambre. 
Elles m'aidèrent, mais jamais je ne les aidai.
 
Difficile de parler des livres de Laird Hunt sans les déflorer.
Comme dans Indiana, Indiana, les narrateurs tournent autour d'une vérité simple et terrible. Les mots pour la dire arrivent tard ou n'arrivent jamais. L'ingénuité, vraie ou fausse, l'incompréhension, le remords ou la mémoire qui refuse sont autant d'obstacles au dévoilement cru. Laird Hunt ensevelit les faits sous un échevau d'histoires qui prennent vie, les morcelle et les disperse parmi des souvenirs heureux.
 
Et comme dans Indiana, Indiana, l'effet est poétique et puissant, onirique et douloureux. Beau.