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Palafox

Palafox

Palafox
de Eric CHEVILLARD
ed. MINUIT

Le troisième Chevillard, l'éclat : l'œuf se fendille, Palafox en sort, un immense écrivain est né.

Publié en 1990, le troisième roman d'Éric Chevillard est peut-être celui où, tout à coup, cette forme si particulière de jeu narratif, esquissée dans "Mourir m'enrhume" et "Le démarcheur", tombe en place, et lance ce formidable mouvement, incessant et vers l'avant, qui dans une gestion unique de l'absurde, du nonsense foisonnant de Sterne et de Carroll - magnifié par une rarissime maîtrise des moindres creux et vallons de la langue -, nous enchante donc depuis vingt-trois ans.

La famille étendue et quelques amis, assemblés autour du repas dominical, assistent avec étonnement à l'éclosion d'un œuf à la coque, sans doute insuffisamment cuit. L'animal Palafox en sort. Qu'est Palafox exactement ? On ne sait pas, même si chacun a ou aura son idée, fluctuant avec le développement de la bête.

Son identité mouvante, qu'il s'agira de cerner au fil du récit à travers ses manifestations et ses symptômes, constitue l'enjeu de ces 185 pages. Une extravagante chasse au snark, réjouissante, au cours de laquelle le lecteur ébahi consacrera une énergie disproportionnée, sans doute, à réprimer les éclats de rire forcené qu'il sentira monter en lui.

"Maintenant, il ne trouvait plus rien à absorber. Le problème des vivres, c'était une raison supplémentaire pour tenter une sortie. Palafox donna quelques petits coups de bec prudents, encore un, et s'interrompit, guettant la réaction de son éventuel voisin. De toute façon, il ne renoncerait pas, il était prêt à en découdre, désormais plus question de reculer. L'éventuel voisin ne broncha pas, plusieurs hypothèses, ou bien il dormait, ou bien il était sorti, ou bien il était sourd, ou bien il était mort, ou bien il s'en foutait, ou bien personne ou plus personne encore ne vivait là. Palafox creva la coquille, d'un bond il faut sur la table, Algernon eut la présence d'esprit de retourner son verre sur la bête. Ainsi fut découvert puis promptement maîtrisé Palafox. On ne saurait ajouter au foi aux divagations du patron-pêcheur Sadarnac, capitaine sur le Rémora, qui prétend l'avoir ramené tout frétillant dans son chalut, puis l'avoir cédé à Algernon, balivernes."