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Quién es ?

Quién es ?

Quién es ?
de Sébastien DOUBINSKY
ed. JOËLLE LOSFELD

Le monologue de Billy the Kid, la rébellion instinctive, ses conséquences. Magnifique.

Publiée en 2010 chez Joëlle Losfeld, la douzième œuvre de Sébastien Doubinsky N’EST PAS une n-ième biographie ou pseudo-biographie de Billy the Kid (même si le thème peut se targuer à bon droit d’illustres prédécesseurs, tels le Borges de "Histoire de l’infamie"), mais une utilisation sensible et intelligente de la figure singulière et mythique du jeune bandit du Far West pour explorer, dans une direction chère à l’auteur, les ressorts possibles et les aboutissants de la rébellion INSTINCTIVE.

Non pas celle, dotée d’une théorie politique, mise en scène par exemple par l’Ernst Jünger du "recours aux forêts" ("Traité du rebelle", 1951), avec un agenda (comme on dirait en anglais) bien différent, mais bien celle, correspondant à une grande partie des témoignages – hors celui, terriblement biaisé comme on le sait, de Pat Garrett – sur l’outlaw aux quatre pseudonymes, qui naît comme par accident d’un irrépressible besoin de justice, ici et maintenant, et balaie de ce fait toute convention sociale à l’instant t, pour devoir ensuite en vivre et assumer les conséquences.

À partir de cela, Sébastien Doubinsky nous crée ce magnifique monologue intérieur, usant d’une habile forme, alliage de mots d’autodidacte, apparemment rugueux, qui peinent à éclore, et de leitmotivs ou d’idées se précisant toujours davantage, alors que la fatale chambre de Fort Summer semble maintenant se rapprocher à grands pas, monologue convoquant crimes et délits passés, épisodes de bonheur simple, rencontres féminines plus ou moins éphémères, et surtout moments fondateurs d’une vie et d’un mythe, autour de ce que Billy appelle le COMMENCEMENT et le DÉBUT, et qu’il devra réaffirmer ensuite, sans arrêt, pour mener sa vie.

"J’avais déjà COMMENCÉ certaines choses à l’époque, mais on ne pouvait pas parler véritablement d’un DÉBUT – une motte de beurre m’avait valu une sacrée remontée de bretelles de la part du shérif Whitehill – il avait les joues violacées de colère et ses dents jaunes claquaient près de mon nez mais je n’étais pas terrifié – honteux, oui, de m’être fait prendre, c’était la première fois que je volais quelque chose – mais je le regardais s’énerver sur moi, sa main tordant mon oreille comme dans les dessins comiques des gazettes, je le regardais comme si j’étais en dehors de moi-même, mes yeux flottant loin de mon visage pour mieux m’imprégner de cette scène – Whitehill au visage violacé par la colère sous son grand chapeau blanc et son étoile cuivrée qui vibrait sur sa poitrine, accrochée au gilet de cuit en veau mexicain – c’était un homme d’une grande bonté et je ne laisserais jamais dire à quiconque que tous les shérifs sont des ordures – ce sont des hommes comme les autres qui ont juste accepté de se laisser transpercer par leur devoir et il y en a parmi eux qui le vivent comme une blessure permanente et ceux-là doivent être respectés et honorés comme des pères – bien entendu, les autres peuvent crever."