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Actualités

Littératures antillaises : les 9 livres présentés

Aimé CÉSAIRE, Cahier d'un retour au pays natal

Maryse CONDÉ, Traversée de la mangrove

Raphaël CONFIANT, La lessive du diable

Édouard GLISSANT, Tout-Monde

Patrick CHAMOISEAU, Les neuf consciences du Malfini

Lyonel TROUILLOT, Thérèse en mille morceaux

Kettly MARS, Aux frontières de la soif

Reinaldo ARENAS, L'assaut

Derek WALCOTT, Une autre vie

Le jardin dans l'île

On trouve de tout dans ce petit recueil qu’est Le Jardin dans l’île.

On y tombe amoureux dans des circonstances pour le moins particulières (« La Nuit des voltigeurs », « Le Jardin dans l’île »). Les hommes y sont fréquemment brisés par la vie mais retrouvent, au gré des circonstances, un peu de leur superbe (« Figure humaine », « L’enclos »). Les femmes y sont magnifiques, parfois mystérieuses, le plus souvent aimantes et maternelles (« Figure humaine », « Le Jardin dans l’île »). Et puis, au gré des circonstances, le lecteur peut y faire la connaissance d’un mystérieux courtier capable de dénicher l’objet de vos rêves (« Le courtier Delaunay ») ou louer une propriété pour le moins… particulière (« L’inhabitable »).
 
La nostalgie y a souvent sa place, qu’elle se réfugie dans le bouquet d’un vin (« Château Naguère ») ou des souvenirs d’enfance heureusement fantasmés (« L’enclos »), même si elle est souvent contrebalancée par un humour tranquille, dérapant parfois dans l’absurde (« L’importun »).
 
L’élégance et la classe de l’écriture de Georges-Olivier Châteaureynaud s’y déploient en toute évidence, son impeccable sens du rythme et de l’atmosphère y font merveille pour graver cette collection de miniatures dans l’esprit du lecteur.
 
Et, comme pour parachever l’ensemble, l’auteur s’y permet le luxe d’une dernière novella qui n’a rien à envier aux meilleures épopées de fantasy, commençant comme une fresque guerrière et se refermant en huis-clos dramatique au sein d’une forteresse inaccessible (« Zinzolins et Nacarats ») .
 
Oui, décidément, on trouve de tout dans Le Jardin dans l’île. Et surtout la certitude que Georges-Olivier Châteaureynaud est décidément un très grand écrivain, probablement jamais aussi à l’aise que dans la miniature. Un immense petit recueil.
 

La servante et le catcheur

Sous ce titre improbable se cache un roman coup de poing, témoignage dévastateur des exactions commises lors de la guerre civile au Salvador, à partir de la fin des années 70.

Le Viking, ancienne gloire nationale du catch, s’est très tôt reconverti au sein de la police d’Etat et des escadrons de la mort. Il y a exploité ses « talents » physiques pour participer à de multiples arrestations d’opposants mais traîne maintenant comme un boulet ses souvenirs de célébrité et un cancer qui le ronge de l’intérieur depuis plusieurs mois. Le voilà embarqué dans une expédition de plus pour capturer un jeune couple d’ennemis au régime en place. Une opération a priori anodine mais qui va le remettre en contact avec Maria Elena, une servante qu’il a croisée et courtisée plusieurs années auparavant…
 
Dès les premières lignes, Horacio Castellanos Moya plonge le lecteur au cœur de la violence et installe une tension impressionnante. Les tortionnaires y sont des fonctionnaires comme les autres, faisant le sale boulot sans arrière-pensée ni remords. La narration change successivement de point de vue, s’attachant d’abord au Viking et à Maria Elena mais impliquant ensuite des proches de cette dernière. Manière habile de montrer aussi comment les choix politiques qui se firent lors de ces années sanglantes vont faire exploser des cellules familiales qu’on aurait pu croire unies.
 
Et si l’auteur fait parfois surgir la violence au coin d’une rue ou dans des résidences pavillonaires anodines, il faut aussi souligner avec quelle retenue il évite les scènes gores ou racoleuses. La violence est palpable, elle innerve le récit et donne toute son intensité au livre mais Horacio Castellanos Moya se garde bien d’aller dans la surenchère.
 
Il offre au final une peinture saissante de ces années d’horreur, traversée par la silhouette inquiétante du Viking. Une silhouette que l’on n’est pas près d’oublier.
 

Dernier jour de janvier. Février en Charybde

Dernier jour de janvier : le jeudi 31 janvier, l'Américain Percival Everett, expérimentateur renommé et joueur talentueux avec les "genres" romanesques, sera notre invité, à l'occasion de la parution en France de son Montée aux enfers. Nous vous avons concocté pour l'occasion un petit parcours de lecture dans son oeuvre foisonnante et passionnante.

Le vendredi 8 février, nous replongerons dans du noir contemporain politisé et affûté avec Serge Quadruppani et sa commissaire italienne, Simona Tavianello, dans le troisième épisode de ses aventures, Madame Courage. Mosaïque d'instantanés de lecture pour mieux faire connaissance avec le personnage.

Le jeudi 14 février, les libraires présenteront une courte sélection de littératures antillaises, lectures d'extraits gouleyants et rhums arrangés, et l'artiste Julien Jacob nous fera la gentillesse d'accompagner la soirée de sa musique envoûtante.

Le jeudi 21 février, nous dédions la soirée à l'éditeur Quidam (Pascal Arnaud) qui sera entouré de ses auteurs et amis,  Philippe Annocque, Romain Verger, Laure Limongi, Claro, Maïca Sanconie, Michel Volkovitch et Vanessa Guignery. Ensemble, ils nous parleront de Denis Decourchelle, de Pierre Terzian, de B.S. Johnson, de Jérôme Lafargue, de Nick Barlay, de John Herman, de Kate Braverman, du domaine grec chez Quidam (Ménis Koumandaréas, Ersi Sotiropoulos, ...), de Rolf Dieter Brinkmann, de Reinhard Jirgl, de Ron Butlin, de Gabriel Josipovici, de Maïca Sanconie, de Paulus Hochgatterer et de David M. Thomas. Un feu d'artifice !

Le vendredi 22 février, Léo Henry, auteur du tout récent Le diable est au piano, et entre autres l'une des têtes derrière la saga Yama Loka Terminus, Bara Yogoï et Tadjélé-Récits d'exil, sera notre libraire invité et nous fera partager 7 de ses trésors de lecture.

Et le vendredi 1er mars, dernier vendredi honoraire du mois de février, nous ouvrirons à nouveau notre cave aux trésors d'occasion, avec de nombreux nouveaux arrivages à découvrir.

À bientôt en Charybde !

Glyphe

Farce énorme narrée par un bébé (très) surdoué, mix d'effets drôles et sérieux très réussi.

Publié en 1999 (en 2008 en français), le dixième roman de Percival Everett marquait un aboutissement provisoire, allant sensiblement plus loin que précédemment dans le mélange bakhtinien des tonalités, pour fournir au lecteur, sous le fil conducteur apparent d’une farce rocambolesque, l’un des plus fascinants pots-pourris narratifs et intellectuels que je connaisse.

Ralph, bébé de quelques mois, possède quelques particularités, dont un QI proche de 500, une capacité phénoménale de lecture et d’écriture, et un refus catégorique d’utiliser la parole… C’est lui qui nous raconte quelques mois de sa vie, entre sa mère artiste peintre peu convaincue, son père (que Ralph appelle « Le Bouffi »), professeur d’université, post-structuraliste, amer et ami de Roland Barthes (qui parcourt le récit sous les traits appuyés d’un satyre logorrhéique et incompréhensible), les psychologues psychopathes qui, confrontées au phénomène, et passées les phases d’incrédulité, sont prêtes au kidnapping, pour pouvoir tester à loisir – voire, in fine, disséquer – le bébé qui les fera entrer dans l’histoire des sciences, les militaires reconvertis dans les services ultra-secrets, qui voient rapidement dans le nourrisson l’arme ultime en matière d’espionnage scientifique et industriel, ou encore le couple de travailleurs mexicains en mal d’enfant à adopter, voire le prêtre réprimant à très grand peine sa pédophilie…

Ce fil relativement linéaire est fiévreusement entrecoupé de bribes d’ « autres choses » (selon un procédé qui sera encore développé dans Le supplice de l’eau, mais avec d’autres prémisses) qui vont, elles, demander un certain effort au lecteur (particulièrement français) pour parvenir à la jouissive fusion finale de ce redoutable cocktail : poèmes écrits par Ralph, dialogues imaginaires mais singulièrement drôles et pertinents entre philosophes, linguistes et écrivains (avec les difficultés que peuvent représenter, par exemple, les romanciers Ralph Ellison ou James Baldwin, a priori moins familiers au lecteur français qu’à un intellectuel afro-américain), constructions et schémas linguistiques tous droits échappés de manuels structuralistes et post-structuralistes…

Ne nous y trompons pas, en effet : si le récit follement débridé joue au faux thriller et à la vigoureuse parodie des travers universitaires, Ralph nous propose aussi, en constant filigrane, une robuste réflexion, imagée et dansante, sur le sens de la narration, la limite de la compréhension et de l’exégèse, et le pouvoir de la création linguistique…

Sans doute l’une des tentatives les plus réussies que je connaisse, donc, pour mêler de l’essai « sérieux » à une narration « déjantée », sans sacrifier les ressorts de l’un ou de l’autre, fût-ce au prix d’un charmant effort requis de la part du lecteur."L'ennui est l'ami du bébé. Si je gloussais chaque fois que le Bouffi se mettait à me faire sauter comme un sac de farine, c'était pour voir si je n'arriverais pas à déclencher quelque réaction révulsive qui me ferait lui cracher à la figure.

L'ennui ne rend pas aveugle, et n'entrave en rien l'étonnement. Certes, l'ennui n'a rien à voir avec l'étonnement, et loin de moi l'idée de suggérer que le sens de l'un bifurque pour revenir au plus proche du sens de l'autre, que l'on croyait contraire. L'ennui est une colline élevée, un nid de corbeau, un affût de chasse, d'où l'on voit tout (que soit écartée pour de bon l'idée d'aveuglement). Peut-on rêver meilleur endroit d'où s'observer soi-même, à l'abri des sensations comme des risques de confusion ? Taedet me ergo sum.

 

Narration médiévale

Vendredi 25 janvier 2013 - Les livres présentés par Jean-Jacques Vincensini

Marie de France, Lais

Le roman d'Enéas

Jean d'Arras, Mélusine ou la noble histoire de Lusignan

Chétien de Troyes, Le conte du Graal

Chrétien de Troyes, Le chevalier de la Charrette

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