Connexion

Pas Sidney Poitier

Pas Sidney Poitier

Pas Sidney Poitier
de Percival EVERETT
ed. ACTES SUD

Le petit homme arriva en se dandinant, grognon et l'oeil chassieux, et s'enquit non sans pertinence "Vous en êtes à combien de semaines ?"
- Cent quatre, fut la réponse de la première voisine.
Information qui fut confirmée par l'assemblée au complet, ma mère y comprise, dont les paroles exactes furent "Beaucoup trop !" Puis elle hurla "Garez-vous les filles ! Deux ans qu'il se forme et le voilà qui arrive !"

Pas Sidney Poitier : mère hystérique, père inconnu, prénom contrariant. Et Noir. Puis riche. Le bordel.

Quand, très jeune, Pas Sidney perd sa mère, il se découvre à la fois une richesse incalculable en actions CNN et un mentor : Ted Turner, le roi des médias. Il grandit sous l'aile de Ted, lequel est un peu gêné de son image de Blanc recueillant un orphelin noir. L'Amérique, quoi.

En grandissant, Pas Sidney apprend vite que son prénom va lui causer souci. Ses petits camarades le prennent pour une provocation, les adultes pour de l'humour ou de la bêtise mal dosés.

Sa vie devient plus facile quand, à la bibliothèque, il se découvre un don pour l'hypnose en autodiacte.

Sa vie se complique quand il commence à réellement ressembler à Sidney Poitier, avec des effets secondaires curieux : un pouvoir évident sur les femmes, et des rêves étranges (voire des passages entiers de sa propre vie) tout droit tirés de la filmographie de l'acteur en question.

En butte à des interlocuteurs qui le trouvent toujours trop noir ou pas assez, il est propulsé de désastres en désastres, peu aidé par ses mentors, Ted Turner et... le professeur Percival Everett : l'un ayant tendance à collapser en permanence, l'autre à lui fourguer des donuts ou de la philo de comptoir.

Comme dans Désert américain, l'Amérique passe ses obsessions au scanner lorsqu'un héros ingénu découvre l'extraordinaire effet de son état sur les autres (la mort dans Désert américain, la couleur de peau dans Pas Sydney Poitier) alors que lui-même se sent simplement... lui-même. Percival Everett a décidément un don pour les cocktails : sensibilité, humour, énergie, poésie, une très belle plume, et toujours un dosage impeccable.