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Margherita Dolcevita

 

Margherita est une « petite fille périmée » de 14 ans et demi.

Margherita habite une zone qui n'est plus tout à fait la campagne, pas encore la ville.

Margherita vit avec sa famille, sympathique et un peu fêlée : un grand-père qui s'empoisonne à petites doses pour s'immuniser, une mère qui fume des cigarettes virtuelles, un père qui répare tout ce qu'il trouve, un frère foot-bourrin, un autre spécialiste en astropataphysique, et un chien qui ne ressemble à rien.

Mais un jour débarquent des nouveau voisins. Qui sont bizarres. Du genre à pousser à la paranoïa : ils savent tout des secrets et des désirs cachés de tout le monde et ils les comblent. A coups de jeux vidéos, de Botox, d'écran géant et de plats surgelés... Ces voisins sont un rouleau compresseur qui bousille le quotidien de Margherita. Margherita qui résiste comme elle peut, en continuant d'écrire des premières phrases de romans, des poèmes ratés, et de rendre visite à la Petite Fille poussière, le fantôme d'une maison en ruines.

Le livre se lit d'une traite, le ton est caustique, c'est la voix de Margherita, entre doux délire et franchise crue. C'est à la fois drôle, intrigant, touchant et triste.

La métamorphose imposée par les voisins ressemble à une plongée de force dans le monde froid et matérialiste des adultes. Et Margherita ne peut pas résister. Elle observe avec lucidité, elle tente de se soustraire au dérapage général, mais elle ne peut pas l'enrayer.

Finalement, il reste le désarrois d'une petite fille qui ne comprend plus ses parents et qui ne veut pas grandir, surtout dans l'Italie de Berlusconi.

 

[... et Charybde 3 approuve.]

Libraires du mois - Laurent Courau (Novembre 2011)

Hunter S. THOMPSON, Parano dans le bunker

Jacques BERGIER, Le matin des magiciens

Allan C. WEISBECKER, Cosmix banditos

John BRUNNER, Tous à Zanzibar

Harry CREWS, La foire aux serpents

Leah GORDON, Kanaval - Vodou, politique et révolution dans les rues d'Haïti

Remi KOOLHAAS, Junkspace

William GIBSON, Code Source

Dominique FORMA, Skeud

Alan MOORE & David LLOYD, V pour Vendetta

Palais de glace

Siss et Unn sont deux petites filles qui se découvrent liées par une amitié trouble. Un matin, Unn fait l'école buissonnière et disparaît, alors que les premières neiges commencent à tomber. Je ne gâcherai pas un suspense à couper le souffle en vous apprenant qu'Unn meurt. Sans doute. Comme beaucoup de choses dans ce roman, le mot n'est pas vraiment prononcé, on ne sait pas, et pourtant on sait quand même...

La majeure partie de l'histoire, c'est après. Siss doit continuer à vivre, retourner à l'école, supporter le regard étrange de ses parents. Siss en veut à tout le monde : à elle-même qui vit toujours, à ses parents qui veulent la tirer de ses obsessions un peu morbides, à ses camarades de classe et aux gens du village qui ont l'air d'avoir baissé les bras et oublié son amie, alors qu'on n 'a toujours pas retrouvé le corps...

La grande puissance du roman tient dans la capacité de l'auteur à maintenir des scènes entières sur le fil du rasoir, à faire sentir que quelque chose cloche, sans qu'on ait d'éléments tangibles pour étayer ce sentiment, ni confirmer ou infirmer cette impression.

Pour exemple une des premières scènes du roman, qui réunit les deux gamines : ça déborde de sensualité, un truc trouble, qui n'est qu'à peine esquissé mais qui imprègne réellement leur rencontre, sans qu'à aucun moment on puisse clairement se prononcer sur cette relation.

Le troisième protagoniste de ce roman, c'est le palais de glace, espèce de monstruosité naturelle née du gel et d'une cascade. La description du palais de glace est un autre tour de force : on voit le palais tel qui doit être - une forme étrange telle que peut en créer la nature -  et tel que le voit Unn - palais de contes de fées, probablement habité, avec des salles à thème. Et la tension nait de l'insterstice entre ces images superposées. Parce que la petite fille court d'une salle à l'autre, alors que cascade est là, le grondement de l'eau, le froid, et on sait que quelque chose ne va pas, qu'une fin tragique est imminente et cette fin n'arrive pas. Et c'est sur ce fil que l'auteur nous fait danser durant tout le roman, pour quelque sentiment que ce soit : peur, sensualité, tristesse...

 

 

La foire aux serpents

Ce roman de 1976 est emblématique de cet auteur prolifique, issu d'une enfance difficile dans le Sud profond américain, engagé dans les Marines de 17 à 20 ans, avant de devenir écrivain et professeur d'anglais.

Avec l'humour souvent ironique qui le caractérise, et sans jamais prendre de gants dans le langage ou dans les situations, Harry Crews raconte ici quelques jours cruciaux de la vie d'un ancien brillant running back de lycée, qu'une blessure a renvoyé à la tenue du bar paternel, dans une bourgade rurale de Géorgie, où se déroule chaque année la "foire aux serpents", vaste rassemblement d'amateurs de crotales.

Ambiguë camaraderie redneck, racisme ordinaire et presque "bon enfant", beuveries monumentales, malheurs familiaux, désespoirs domestiques, combats de chiens féroces, viols quasiment banalisés,... construisent un terrifiant climat, cruel, violemment sexuel, dans lequel le narrateur, comme un cousin parodique du Roi sans divertissement de Giono, semble se débattre de plus en plus fort pour échapper à l'ennui morbide, jusqu'à l'apothéose finale.

Étrange hybride de Faulkner et de Crumley, Harry Crews ne vous laissera pas indifférent, et cette Foire aux serpents moins que tout autre de ses romans.

Et un grand remerciement à Laurent Courau, libraire invité chez Charybde pour le mois de novembre 2011, pour cette recommandation !

Le Bloc

Le dernier roman de Jérôme Leroy, paru en octobre 2011, frappe fort. Retrouvant la veine d'anticipation socio-politique qu'il affectionne, il nous place à la veille de l'entrée du Bloc, grand parti d'extrême-droite, au gouvernement, dans une France devenue de plus en plus "incontrôlable"...

"Ils avaient tous peur, les Français de toute manière : la beurette maquilleuse avait peur, les petits Blancs avaient peur, les cadres délocalisables avaient peur, les mômes des cités avaient peur, les flics avaient peur. Les profs des collèges de ZEP, les toubibs en visite dans les HLM déglingués, les retraités pavillonnaires, les ados blancs des zones rurbanisées avaient peur. Les Chinois avaient peur des Arabes, les Arabes avaient peur des Noirs, les Noirs des Turcs, les Turcs des Roms. Tous avaient peur, tous avaient la haine. Et d'abord la peur et la haine les uns des autres." L'un des deux principaux protagonistes, mari de la présidente du Bloc, plante ainsi le décor dans son monologue intérieur...

Cette entrée prévisible au gouvernement est aussi le signal d'un grand "ménage interne" au sein du Bloc : son principal exécuteur des basses œuvres, notamment, bien qu'ami de longue date du narrateur, en sait trop, beaucoup trop, sur les aspects les moins reluisants du parti, et doit maintenant disparaître...

En se donnant enfin de la place, en 300 pages, Jérôme Leroy donne à ses deux "héros" une formidable épaisseur. Les miroirs intimes, les réflexions en flashback et le tempo écrasant des dernières heures avant la victoire composent ainsi une fresque hystérique, qui rappellera aussi au lecteur le très sombre Préparer l'enfer de Thierry Di Rollo, paru au printemps dernier, en apportant au moulin un indéniable supplément littéraire, combattant et introspectif, en plus du constat politique... À travers le personnage du mari de la présidente du Bloc, possible double maléfique de l'auteur, Jérôme Leroy réussit un exceptionnel portrait de synthèse d'un "intellectuel engagé" particulier, féru de poésie et de coups de poing, amateur de Nimier et de Chardonne, dominant par sa culture et son intellect tous ses camarades de parti, et perpétuellement saisi d'un vertige brun, qui aurait pu - et c'est là l'une des terribles ambiguïtés du personnage - être rouge en d'autres circonstances...

En parvenant - et c'est bien là du grand art de romancier - à mettre de l'humanité et de l'empathie sur l'innommable, l'auteur nous livre de précieuses clés pour comprendre vraiment, et donc combattre, les ressorts de la droite extrême. Un vrai plaisir de lecture qui donne authentiquement à penser, ce n'est pas si fréquent, et cela mérite qu'on s'y attarde.

 

[... et Charybde 1 approuve. ]

La barbarie

Après le fantastique voyage des Barbares, un bien sombre retour à Terrèbre...

Paru en septembre 2011, ce troisième opus de la redécouverte de Jacques Abeille menée de main de maître par les éditions Attila ramène le narrateur à Terrèbre, après la disparition des barbares. Il ne s'agit plus cette fois des fiévreuses et souvent enivrantes découvertes des deux tomes précédents : replongeant dans l'atmosphère citadine plus étouffante du Veilleur de jour (toujours disponible chez Ginkgo), le héros mesurera avec nous, tragiquement, où se situe vraiment la barbarie...

Comme l'inachèvement eût été pour ainsi dire parfait s'il s'était produit en toute modestie, après que j'eus décrit le divorce de Félix, sur la coulée laiteuse de la route sinuant entre les masses noires des buissons et des haies. L'ombre était si proche et si ouverte cette blancheur nocturne. Cela n'eut pas lieu et me voilà déjà aux portes de Terrèbre, ayant perdu tous mes amis et contraint, si je veux échapper au vide du temps, de poursuivre une narration où ne se donneront plus cours que la prose du monde et la bêtise humaine. La bêtise citoyenne, la barbarie, la vraie.

Si les intrications raffinées et le style précis et enchanteur évoquent toujours autant Gracq et Jünger, c'est nettement l'ombre atroce du Kafka le plus noir qui remplace ici celle, exaltée par les espaces à parcourir, de Saint-John Perse, pour ce nécessaire retour au réel...

Carénage

De cette incursion dans le mental obsessionnel d'un motard de haut vol, Sylvain Coher a su faire une expérience littéraire de toute première force.

Non seulement le rendu de la vitesse, de la route, des sensations et de l'extrême attention indispensable à ce niveau, en véritable mode "caméra subjective", est-il particulièrement impressionnant, mais la construction du personnage, toute en flashbacks simples et très efficaces, a aussi une bien fière allure.

Derrière la rivalité apparente entre la moto ("L'Élégante") et l'amante ("La Passagère") dans le cœur et l'esprit du héros Anton, ce qui nécessite presque à soi seul le déplacement jusqu'à ce livre est une prouesse qui vous saisira à la page 100, et vous scotchera littéralement. J'ai rarement observé une telle audace, et de telles conséquences, dans le renversement brutal du point de vue de la narration... Là où l'on croit longtemps avoir affaire à une obsession, on en découvre brutalement une autre, de couleur bien différente...

Écrit comme une poésie tragique, avec un souffle insensé, ce roman à 100 chevaux ne doit pas être ignoré plus longtemps. Et ce n'est pas par hasard qu'il figurait aussi sur la liste de Claro, libraire invité chez Charybde pour octobre 2011.
 

[ ... et Charybde 1 approuve. ]

Le dragon Griaule

Lucius Shepard crée cet assemblage romanesque à partir d'une nouvelle de 1984, L'homme qui peignit le dragon Griaule, dans laquelle un dragon extrêmement puissant, long de plusieurs kilomètres, a été paralysé au cours d'une ancienne bataille, quasiment dans la nuit des temps, devenant ainsi peu à peu à la fois un très encombrant élément du paysage (sur lequel poussent arbres, fleurs ou mousses) et une source pernicieuse d'influence, psychologique ou magique, sur les habitants voisins.

La métaphore, si elle peut effrayer de prime abord (et particulièrement le lecteur non aficionado de "fantasy à dragons"), est superbement conduite et écrite par Shepard (et traduite avec finesse et justesse par Jean-Daniel Brèque). Un peu comme chez Yves et Ada Rémy, une fois la prémisse fantastique installée, elle devient toujours plus discrète, laissant le récit se concentrer sur situations et personnages. On explorera ainsi la faune qui vit dans le dragon, et les curieux adorateurs humains qui y évoluent, dans La fille du chasseur d'écailles (1988), au style encore plus abouti que dans la nouvelle initiale, puis la manière dont l'influence du dragon se développe dans les esprits des humains avoisinants et peut même "être utilisée", dans Le Père des pierres (1989) (qui constitue aussi une nouvelle policière au brio machiavélique), avant de revenir sur les desseins et les plans de ce dragon emprisonné, dans La Maison du Menteur (2003) et dans L'Écaille de Taburin (2010). Le Crâne (2011), conclusion - provisoire ? - de cette histoire au très long cours, renoue, dans un Guatemala contemporain cher à l'auteur et à peine dissimulé, avec la fable politique incisive du début du cycle, en forme d'apothéose cette fois.

En tant que nouvelles isolées, Le Père des pierres et Le Crâne (et dans une légèrement moindre mesure, L'homme qui peignit le dragon Griaule) seraient déjà des réussites majeures. La continuité subtile, les effets de contraste et de résonance à travers le temps et les personnages, permis par l'assemblage des six longues nouvelles, construisent un grand roman à facettes.

Il justifie a posteriori l'ambition de Shepard, dévoilée dans une postface fouillée : "L'idée d'un gigantesque dragon paralysé (...), dominant le monde qui l'entoure grâce à ses pouvoirs mentaux, un monstre vicieux irradiant ses pensées vengeresses et faisant de nous les jouets de sa volonté... voilà qui m'apparaissait comme une métaphore appropriée pour l'administration Reagan, qui s'affairait alors à proclamer qu'un jour nouveau se levait sur notre patrie, à dévaster l'Amérique centrale et à réduire en pièces notre constitution. Cela explique le contenu politique qu'on pourra lire en filigrane dans ces récits. Dans un sens, le cycle de Griaule tourne autour de deux bestioles, un dragon et un président mentalement handicapé dont l'avatar est un monstre immortel... ou vice versa."

La couleur de la nuit

Paru presque simultanément aux Etats-Unis et en France en 2011, ce nouveau livre de Madison Smartt Bell a eu un peu de mal à trouver sa place dans son pays d'origine : sa première phrase garde en effet là-bas des allures de tabou puissant : "Comme mon cœur a chanté quand les tours sont tombées ! Une telle poussée de force pure, se tordant, se désagrégeant, s'épanouissant en ce gigantesque astre de ruines avant de jeter au sol toute sa substance... Ces escarbilles semblables à des moucherons qui tournoyaient tout autour s'avéraient être des mortels jaillissant des flammes. Drapés dans le linceul de leurs cris, ils descendaient. Si j'avais su que la mort pouvait en détruire un tel nombre !"

Mae, l'héroïne, a passé plusieurs années au sein d'une secte hippie déjantée dans les années 1970. Musique rock, substances illicites, expériences mystiques, emprise d'un gourou dionysiaque,... l'adolescente y a été durablement transformée, et l'on n'apprendra que peu à peu à quel point, à travers les souvenirs et les actes de la Mae de 2002, prédatrice affûtée dissimulée sous la croupière de Las Vegas, quittant la nuit sa caravane pour tenir les créatures du désert dans la lunette de visée de son fusil... et qu'une image fugitivement entrevue à la télévision le 11 septembre 2001 va relancer dans un processus qu'elle avait oublié.

Les 230 pages de cette étonnante trajectoire d'exorcisme personnel constituent une intense expérience de lecture, durant laquelle, bien souvent, on aura le sentiment que le Riau du Soulèvement des âmes, premier tome de la monumentale trilogie haïtienne du même auteur, oscillant entre raisonnement et abandon aux puissances du vaudou, se tient à nos côtés et à ceux de la narratrice... Smartt Bell poursuit ici, et avec quelle force, son exploration des ressorts du mal, de la sauvagerie et de l'aliénation au sein de nos psychismes...

 

[... et Charybde 1 et 4 approuvent.]

Lanark

L'extraordinaire double récit de l'effondrement d'un homme et d'une civilisation par incapacité à aimer.

Publié en 1981 (et en 2000 en français chez Métailié), le premier roman d'Alasdair Gray est de ces œuvres "coups de tonnerre" qui marquent l'histoire de la littérature. Mosaïque complexe, mêlant des registres narratifs extrêmement différents, et pourtant gardant toute sa lisibilité, Lanark se compose de quatre livres, présentés dans l'ordre 3-1-2-4, d'un interlude et d'un épilogue (situé... 65 pages AVANT la fin).

Le livre 3, récit aux confins du fantastique et de l'onirique, a pour protagoniste Lanark, amnésique se découvrant soudain dans la ville d'Unthank, sombre et désenchanté démarquage du Glasgow des années 70, dont les habitants, pourtant soutenus par un welfare state absurde par moments et sans doute déjà presque exténué, développent d'étranges maladies métaphoriques, qui les tuent pourtant tout à fait réellement. Affligé de la "peau de dragon" (dans laquelle le malade se recouvre progressivement d'une carapace jusqu'à mourir à l'intérieur de celle-ci, coupé du monde), Lanark parvient à atteindre l'Institut, gigantesque hôpital en charge du traitement de ces affections, avec un faible taux de succès il est vrai. Sauvé malgré tout, un "oracle", financier repenti, tente alors de lui rendre le récit de son passé...

Lanark n'arrivait pas à dormir. Allongé à la limite de l'éclat lumineux qui entourait l'homme malade, il tourna le dos à la tête osseuse et fit fonctionner la radio sous l'oreiller. Munro avait dit que son institut manquait de personnel, mais celui-ci semblait très nombreux. En dix minutes, Lanark entendit appeler quarante médecins différents, sur un ton indiquant l'urgence, pour leur demander de se rendre dans des lieux et d'exécuter des tâches qu'il était absolument incapable de se représenter. L'une d'elles disait : "Le Dr Gibson est prié de se rendre au cloaque. Il y a résistance sur le bord nord." Une autre disait : "La chambre R-60 demande un ostéopathe. Cas de gazouillis. Que tout ostéopathe libre se rende immédiatement à la chambre de détérioration R-60." Lanark fut fortement décontenancé par un appel qui disait : "Ceci est un avertissement aux ingénieurs de la part du Professeur Ozenfant. Une salamandre explosera en chambre 11 à approximativement 15 h 15." Il finit par éteindre la clameur et tomber dans un demi-sommeil agité.

Les livres 1 et 2 composent le récit de l'oracle, racontant la vie du jeune Duncan Thaw (qui POURRAIT donc être Lanark - sans qu'il y ait certitude) sous la forme d'un "classique" et passionnant roman d'apprentissage, dans lequel l'enfant écossais de la Seconde Guerre Mondiale tente de devenir un artiste reconnu, avant d'échouer plutôt misérablement.

Le livre 4, récit fantasmagorique du retour de Lanark, de l'Institut à Unthank, le voit tenter désespérément d'atteindre une sorte de bonheur personnel tout en sauvant la ville d'Unthank du sombre destin qui lui semble promis, alors que désormais la "créature" (le capitalisme libéral débridé) se déchaîne partout...

Soixante-cinq pages avant la fin, donc, l'extraordinaire épilogue voit la rencontre de Lanark avec son auteur, qui lui expliquera à la fois certains tenants et aboutissants de son histoire, tout en indiquant avec précision ses sources, ses emprunts, ses plagiats et ses "non-plagiats", pour un moment vertigineux de technique littéraire, renvoyant d'ailleurs explicitement au Kurt Vonnegut du Breakfast du champion...

- Je croyais que les épilogues venaient après la fin.
- En général, mais le mien est trop important. Même s'il n'est pas essentiel à l'intrigue, il procure une distraction comique à un moment où la narration en a douloureusement besoin. Et il me permet de faire passer de bons sentiments que je pourrais difficilement confier à un simple personnage. Et il contient des notes critiques qui épargneront aux chercheurs universitaires des années de labeur.


Résonnant puissamment de Kafka, de Cortazar, de Joyce, de Vonnegut, ou encore de Mervyn Peake et de William Blake, influence majeure reconnue par Iain Banks, cette œuvre essentielle d'un romancier qui est aussi un grand artiste plasticien nous confie avec magie le double récit et le feu d'artifice métaphorique de l'effondrement d'un homme et d'une civilisation par incapacité profonde à aimer.

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