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Goldberg : Variations

L’incroyable orchestration de trente textes résonnant entre eux à la manière de J.S. Bach pour écrire la fable des affres et du sel de la création littéraire.

Publié en 2002, traduit en français pour parution en août 2014 par Bernard Hoepffner chez Quidam, le seizième texte de fiction de Gabriel Josipovici suivait de huit ans son quatorzième, "Moo Pak", et précédait de quatre ans son dix-huitième, "Tout passe", pour évoquer les deux œuvres publiées auparavant en français chez Quidam.

Avec le brio toujours subtilement érudit qu’on lui connaît désormais, Gabriel Josipovici commence, en apparence, par transposer l’histoire (reconnue aujourd’hui comme plus légendaire qu’exacte) de la création des Variations Goldberg de J.S. Bach dans un autre contexte : la création musicale entreprise par le compositeur à la demande du claveciniste Goldberg, pour endormir chaque soir le riche mécène de Dresde, Hermann Karl von Keyserling, en 1740, devient ici lecture désespérée et vaine, se muant en création littéraire indispensable pour favoriser le sommeil du noble anglais Westfield, commandant ce travail à l’écrivain juif Goldberg qui lui a été chaleureusement recommandé.

"— J’ai lu tous les livres qui ont été écrits, Mr Goldberg, et cela me rend mélancolique. Un profond ennui s’empare de moi chaque fois que j’ouvre une fois de plus un de ces volumes ou même quand une autre voix m’en livre le contenu.
— Mais un nouveau livre ne va-t-il pas par trop éveiller votre intérêt ? lui demandai-je, n’aurait-il pas pour effet de vous tenir éveillé au lieu de l’effet désiré qui est de vous endormir ?
— Mon ami, me dit-il, vous parlez sans réfléchir. Une nouvelle histoire, une histoire qui est vraiment nouvelle et vraiment une histoire, donnera l’impression à la personne qui la lit ou l’écoute que le monde a repris vie pour lui. Voici comment je pourrais le dire : le monde recommencera à respirer pour elle alors qu’auparavant il avait paru être fait de glace ou de roche. Et ce n’est que dans les bras de ce qui respire que nous pouvons nous endormir, car ce n’est qu’alors que nous pouvons être certains que nous nous réveillerons vivants. N’ai-je pas raison, mon ami ?"

xComme Jaume Cabré dans "L’ombre de l’eunuque", structurée à la manière du Concerto pour violon et orchestre d’Alban Berg, Gabriel Josipovici a agencé les trente pièces qui composent ses propres Variations Goldberg en calquant les échos entre morceaux imaginés par J.S. Bach, et en utilisant ses résonances pour, de page en page, décaler son propos pour parvenir in fine, sous les yeux quelque peu ébahis du lecteur, à englober les affres et les pièges de la création littéraire exigeante, du point de vue de l’écrivain qui y est lui-même confronté.

"— Mr Goldberg, vous m’avez été recommandé comme un homme parmi des milliers, comme un homme de lettres aussi hautement original que tout à fait professionnel. Êtes-vous en train de me dire que ni vous ni vos collègues ne peuvent accomplir la tâche toute simple que je vous ai offerte ?
— Je ne peux pas parler pour mes collègues, monsieur. Je ne peux parler que pour moi-même.
— Parlez donc, mon ami, et défendez-vous.
— Il se peut fort bien, monsieur, qu’à l’époque de la Grèce et de Rome, et même à l’époque de notre glorieux Shakespeare, un homme de lettres aurait pu accomplir cette tâche. Les écrivains de ces époques auraient peut-être pu en une journée produire pour vous une série éblouissante de variations sur n’importe quel thème de votre choix. Il vous aurait suffi de parler, il vous aurait suffi d’esquisser, même brièvement, le sujet auquel vous auriez voulu qu’ils s’adressent et, en une heure ou deux, peut-être même moins, ils vous auraient régalé des plus délicieuses fantaisies et séquences passionnantes sur le sujet de votre choix. Mais, hélas, notre propre époque est devenue bien moins inventive et plus mélancolique, et rares sont ceux qui aujourd’hui peuvent avoir à coeur « de prendre un thème au hasard pour le tordre et le retourner à volonté, le développer un peu ou beaucoup, selon ce qui paraît le mieux pour son propre dessein », comme le dit un ancien auteur qui parlait de ces choses. Car ce que désire notre volonté est devenu obscur et difficile à définir.
— Tout cela est fort bien, Mr Goldberg, mais vous avez accepté la tâche que je vous ai donnée. N’est-il pas fort peu professionnel de votre part de ne pas tenir parole ?
— Je n’ai pas dit, monsieur, que j’avais été incapable de tenir parole."

xCes trente nuits possibles, qui en condensent et transmutent au moins mille-et-une, enchâssent au moins quatre niveaux de récit, dans lesquels l’imagination toujours à la fois proprement débordante et incroyablement maîtrisée de l’auteur convoquent tour à tour, sans aucune gratuité, l’Iliade et l’Odyssée, Shakespeare, les intrications malicieuses des miroirs chers à Borges ou à Calvino, les recherches archéologiques menées sur le néolithique aux îles Orcades, la rupture amoureuse entre un écrivain contemporain et son épouse, lors d’un voyage en Suisse (incluant comme un écho surprenant de la somptueuse "Taverne du doge Loredan" (1980) d’Alberto Ongaro), un roman épistolaire presque à part entière impliquant l’épouse de l’écrivain Goldberg – mais en est-on vraiment sûr, à l’issue ? -, les archives de Paul Klee, les jeux littéraires sophistiqués d’une cour royale, l’amour enfin et peut-être surtout.

Multipliant les catalyseurs de toute nature, là où "Moo Pak" se contentait de la déambulation dans Londres, et là où "Tout passe", dans sa synthèse ultime, ne nécessitera plus qu’une chambre d’hôpital, "Goldberg : Variations" est sans doute, en toute discrétion, l’une des plus robustes sommes romanesques du cœur de la création artistique et littéraire.

"Si séparés ils restent tels. Oui. Si séparés ils restent tels. Et sont restés ainsi depuis lors, traversant naissance et mort et séparation et toits qui fuient et manque d’argent pour payer l’homme qui pourrait les réparer et tes maux de tête et mes rhumes. Vu division se rassembler. Sans pourtant jamais se fondre en un. Vive la différence ! Comme je vous aime, Mr Goldberg."

Alternant miraculeusement entre une légèreté presque primesautière et une féroce complexité construite, ce roman musical spirale allègrement dans la difficulté de la création littéraire, propose mine de rien une très intense réflexion sur la nature profonde de la littérature, et, comme le dit François Monti, Gabriel Josipovici y apporte quasiment la preuve de "l’inépuisable fertilité de la fiction". Un livre indispensable pour toute personne qui s’intéresse au mystère de la mécanique littéraire, et pour toute personne prête à jubiler au creux des méandres apparents de l’érudition mise en scène et orientée.

029-Marie

Les femmes, les aliens, les choses de l'amour...
 
Dans une société qui maîtrise le voyage stellaire mais se développe sous terre, basée sur le dégoût de l'organique et la connexion permanente, les gens assourdissent leurs sens et chargent leur implant DC de filtrer/augmenter la réalité. Dans ce contexte de désincarnation et d'aseptisation maximales, une chaîne underground de media gonzo propose à une professeure de participer à une excursion « Alien Sex » en compagnie de 11 autres filles, le but étant bien sûr de filmer et commenter clandestinement l'expérience.
 
029-Marie est hantée par une faute et un spectre. Dans un monde où se frôler est un tabou, elle a laissé un homme la blesser et lui faire l'amour. Et cet homme est mort, lui laissant un réseau de cicatrices terribles et enfant qui lui ressemble trop. 029-Marie accepte, et elle est douée. Embarquée comme journaliste en immersion dans une croisière étrange sous la houlette de 006-Cindy, elle s'abandonne à des expériences de plus en plus extrêmes : la tendresse, l'orgasme, la douleur, la mort...
 
Sous terre, les vidéos font un tabac et le voyeurisme se généralise. Chanel 7 pense à l'avenir, il faut diversifier, aller plus loin. Ils embarquent 065-Marc dans un programme miroir :
 
F.A.S.
FEMALE ALIEN SEX
Des extraterrestres brûlantes de désir !
Envoûtantes, violentes, terrifiantes !
Des corps étranges, des pratiques sidérantes,
des images à couper le souffle !
Et n'hésitez pas à commander,
depuis votre tablette, en toute confidentialité
et pour 3 500 kubiks seulement, les robot-figurines des créatures de votre choix.
La figurine humaine, mâle ou femelle, est offerte
(dans la limite des stocks disponibles).
 
Sauf que 065-Marc n'est pas un saint. Pas de quête intérieure pour lui. S'il pourrissait en prison, c'est pour avoir brisé des proches en « bricolant » leur DC. Et le haker pervers a vite fait d'échapper à tout contrôle.
 
Le roman explore les multiples facettes de ces deux trajectoires, chacune impulsant des bouleversements plus ou moins profonds chez les téléspectateurs, l'une par l'abandon, l'autre par l'intrusion.
 
Si Franck Manuel utilise à très bon escient l'esthétique de la SF des années 70 (extraterrestres délirants, voyages stellaires, cryogénie, connexion permanente...) son propos n'est cependant pas dans le fonctionnement d'une société contrôlée et aseptisée, ou dans les changements qui s'annoncent en son sein (ou pas). Franck Manuel s'attache à l'intime, à l'exploration d'un corps à vif, et à cette réconciliation difficile avec soi-même.

Malgré son accroche, 029-Marie n'est pas vraiment un roman fun. Emouvant, tour à tour organique et froid, extrêmement riche, oui.

Éloge des voyages insensés - ou L'île

Une extraordinaire quintessence du récit de voyage, du récit polaire et de la quête de sens à la vie.

Publié en 2002, traduit en français en 2008 dans la collection "Slovo" de Verdier par Hélène Châtelain, le premier texte long du journaliste russe Vassili Golovanov compte parmi ces œuvres surgies en apparence de nulle part pour faire date dans la littérature.

Île désolée de 5 000 km2 dans la mer de Barents, côté russe, à peu près à mi-chemin d’Arkhangelsk et de la zone militaire de Nouvelle-Zemble, Kolgouev, rattachée au district autonome de Nénetsie, se met un beau jour, fruit de circonstances et de hasards, à obséder un écrivain-journaliste russe, en quête de plus en plus désespérée de sens et d’imaginaire personnel au sein d’un monde soviétique finissant et d’un monde néo-russe qui lui succède cahin-caha sans grand enthousiasme.

Peu d’auteurs se sont penchés avec autant de détermination obsessionnelle, dans tous les creux de leur récit, sur ce qui fait naître l’envie, le besoin, la rage de voyager, et tout particulièrement de voyager aux confins, polaires ou autres. Peu d’auteurs ont poussé aussi loin l’introspection cruelle lorsque le fantasme voyageur, après avoir surmonté toutes les raisons rationnelles de tergiverser, se confronte à la réalité.

"Je saute du radeau et, prudemment, pieds nus sur le sol glacé, je m’approche de la fenêtre. À travers l’opacité sourde de la pluie : les baraques grises de Narian-Mar.
Une ville étrangère où, je ne sais pourquoi, le courant m’a poussé… Poussé ? Non. J’y suis arrivé de mon plein gré… En quête. En quête de quoi ? De sens. Du sens de la vie humaine. Cela sonne stupidement exalté, soit, mais comment faire si, en vérité, nous sommes placés face au non-sens de l’existence ?
Parce que la guerre, c’est sérieux, c’est du non-sens sérieux. Des milliers de gens tués. Exterminés les uns par les autres. Privés de sens. A Soumgaït. Au Karabagh. À Bakou… La liste va gonfler, comme une tumeur cancéreuse. La famille, la maison, l’individu, son monde, ses efforts, sa joie sont privés de sens, la mort moissonne. Il faut regarder la vérité dans les yeux : les yeux des miséreux, les yeux des réfugiés, emplis de désespoir, les yeux éteints des assassinés. "La vie humaine ne vaut pas un sou". Au juste prix. Pouvoir. Argent. Matières premières. Armes.
Au juste prix, étrangement, de tout ce qui défigure, mutile la vie, la piétine, la détruit, la retient, l’empêche de s’élever, ne laissant pas aux pierres le temps de s’ajuster, aux pousses de se raffermir. La haine a ses lois. Nous vivons à nouveau aux limites des temps…"

Kolguyev

Après plusieurs départs avortés, au cours desquels il s’approche toutefois, à certains moments, à quelques centaines de kilomètres de son but (c’est-à-dire tout près, dans ces régions de vastes distances), le narrateur finit par rejoindre Kolgouev, à partir de Narian-Mar, la principale "ville" du district autonome de Nénetsie, pour découvrir, abruptement puis plus subtilement, ce qu’un siècle de civilisation et de bureaucratie ont créé en lieu et place de l’île de chasseurs et d’éleveurs de rennes décrite par les explorateurs anglais au XIXème siècle, ce que le collectivisme a curieusement réussi, et surtout, ce qu’il a complètement raté, ici aussi.

"Dans la chambre d’hôtel glaciale. Sous deux couvertures. En caleçon de laine. Nuit. Pluie derrière la fenêtre.
Pourquoi ? Pourquoi tout cela ? Envie soudaine de manger, de prendre une douche chaude.
Qu’est-ce que je cherche ? L’Île ? Elle a été découverte bien avant moi. L’Île, mon invention saugrenue ! Pas besoin de rêver longtemps pour se représenter ce qu’il y a là-bas. Étendue plate. Toundra. Ciel gris, bas, creusé en labour de nuages sombres. Soleil terne, blafard, toujours caché. Herbes chétives tremblant dans le vent et fleurs de camomille – apothéose de la floraison estivale… Odeur d’humidité, partout des marécages, et le bord de mer qui ne sent que l’argile car l’eau, on ne sait pourquoi, ne sent rien. Jaune, glaciale…
Pour le reste, tout doit être comme ici, à Narian-Mar, en pire. Le même froid, la même misère. Depuis deux jours, à l’hôtel, il n’y a pas de chauffage et pas d’eau. Je prends l’eau dehors, à un robinet, dans une gamelle. Le matin, il y en a assez pour se laver, rincer la cuvette, faire le thé. Le soir, pour se laver, mouiller la serviette, s’essuyer, vider la cuvette, faire le thé. Au premier étage de l’hôtel, une porte avec l’inscription : "Buffet". Pas une seule fois je ne l’ai vue ouverte. Et c’est le nouvel hôtel, le plus cher de la ville… Le meilleur…
Je râle, de nouveau : la nuit, de lâches pensées me traversent, serrées, en bancs de poissons. Parfois les poissons sont nombreux, parfois moins. Parfois je perds la tête, tellement tout se met à frémir, à scintiller de mille craintes – déferlement de harengs se jetant dans les filets…"

Колгуев 1

Au cours des rencontres avec les rares officiels du lieu, ou celles et ceux qui en tiennent lieu, avec les épaves alcooliques réduites depuis longtemps au chômage et à l’oscillation sans fin au bord de la misère noire et du suicide, avec les quelques rudes chasseurs-éleveurs qui résistent, encore et toujours, à l’adversité, et s’inventent au quotidien un avenir modeste mais efficace, nourri de fières traditions, de croyances et de légendes comme d’un implacable pragmatisme éclairé, le narrateur obtient, au prix d’acrobaties tour à tour savoureuses ou tragiques, l’essentiel de ce qu’il était venu chercher, même si, consciemment et inconsciemment, sa cible a changé au cours du processus.

"Tous les voyages contemporains, avec leur côté prémédité, rappellent la promenade en bateau des trois héros de Jérôme K. Jérôme et, en ce sens, sont foncièrement littéraires. Est-ce un mal que de s’y résigner ? Né et grandi dans l’espace du livre, le voyage y retourne : c’est un genre littéraire ou cinématographique particulier qui n’a plus d’autre justification aux yeux des hommes… Tous les voyageurs contemporains le comprennent : que ce soit l’équipe de Cousteau, qui fit de son navire sa maison et dont le nom, "Calypso", résonne comme un écho d’Homère, ou Reinhold Messner, qui conquit l’Everest en solitaire, ou encore Michel Siffre, hantant les profondeurs ténébreuses des cavernes… Tous doivent rendre compte de ce qu’ils ont vécu, sans quoi les gens se détourneront d’eux comme d’usurpateurs ayant dérobé à leur profit une part de la richesse commune. Ils doivent restituer aux autres le mystère dévoilé."

Miracle d’équilibre subtil, entre exploitation décidée de toutes les sources historiques disponibles, menée sans lourdeur, récit anthropologique d’une grande finesse, conduit au plus près de l’humain, réflexion sociale et culturelle intense sur ce qui crée ou annihile l’homme contemporain, quête spirituelle sans ornementations sacrées, mise en scène personnelle à valeur réellement universelle, "Éloge des voyages insensés" est sans doute, en cinq cents pages (dont quatre vingts de précieuses annexes) sans un gramme d’inutilité, l’un des plus grands récits de voyage, d’intellect et d’humanité en mouvement qu’il m’ait été donné de lire.

"Ce qui différencie la jeunesse de l’âge adulte, c’est que l’adulte tente de donner une cohérence à tous les événements de sa vie. Puis, un beau jour, il se rend compte que, tel le roi sur l’échiquier, l’imprévisible le cerne et que pour éviter le mat, il doit accomplir un acte très précis. Partir sur une île, par exemple, avec laquelle rien, mais absolument rien, ne le lie…"

Charybde is back !

Le silence radio c'est fini, Charybde est de retour. Avouez qu'on vous avait manqué !

Orphelins de Dieu

Une tuerie !! (3)

Il faut qu'ils payent, dit-elle en baissant la voix, il faut qu'on les trouve et qu'ils payent pour le mal qu'ils ont fait. Si j'étais un homme je sais bien comment je ferais. Je les choperais, un après l'autre, je les attacherais à mon cheval, et je les traînerais dans les épineux pour les déchirer jusqu'aux os. Hélas je ne suis qu'une malheureuse, et les hommes de ma famille sont bien trop lâches pour venger mon pauvre frère.

Quatre hommes sont sortis du bois à cheval. Et parce que rien ne les en empêchait, ils ont mutilé un berger, lui coupant la langue et massacrant son visage.

Sa soeur, un petit bout de femme têtue et maigrichonne, s'en va trouver L'Infernu, dont l'aura sanglante luit encore malgré l'âge, la maladie et l'alcool. Une occasion rêvée pour lui de finir sur un baroud d'honneur et de réveiller sa jeunesse perdue pour impressionner la gamine.

Evoqué par un vieux loup sur le déclin, ce temps-là a le panache et la brutalité des épopées médiévales ou des westerns classiques. Car il fut une époque où les desperados avaient de l'honneur et la violence de ceux qui n'ont rien avait un sens. Ou peut-être que le temps a seulement enjolivé les choses, à force de broder la légende sur des corps qui pourrissent.

Marc Biancarelli emprunte au roman d'aventures, au western et au récit initiatique leurs éléments les plus classiques et les plus efficaces. Tuer pour un lancer de dés ou un regard de travers, voler du bétail, violer, se dissoudre dans la nuit. Traquer et être traqué. Dans un décor de bordels, auberges pouilleuses et montagnes arides, les soldats/rebelles/bandits oscillent entre le mythe et la boue.

Pas de "petit bijou" aux "phrases ciselées", ni même de "délicieux bonbon" ici, mais une pièce de viande sanglante, un roman brutal dont on sait dès le début qu'il finira mal.

Littératures asiatiques : la sélection de Bidibulle

 
Shi Nai-an, Au bord de l'eau
 
Hwang Sok-young, Shim Chong fille vendue
 
Lao She, Le pousse-pousse
 
Sôseki, Sanshiro
 
Kenzaburô Ôé, Arrachez les bourgeons tirez sur les enfants
 
Yi Munyol, Notre héros défiguré ; L'oiseau aux ailes d'or ; L'hiver cette année-là
 
Wang Anyi, Le chant des regrets éternels
 
Yu Hua, Brothers
 

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